domingo, 6 de janeiro de 2008

Encore Jean-Jacques

J’aurais pu me jetter tout à fait du côté le plus lucratif, et, au lieu d’asservir ma plume à la copie, la dévouer entière à des écrits qui, du vol que j’avais pris et que je me sentais en état de soutenir, pouvaient me faire vivre dans l’abondance et même dans l’opulence, pour peu que j’eusse voulu joindre mes manœuvres d’auteur au soin de publier de bons livres. Mais je sentais qu’écrire pour avoir du pain eùt bientôt étouffé mon génie et tué mon talent, qui était moins dans ma plume que dans mon cœur, et né uniquement d’une façon de penser élevée et fière, qui seule pouvair le nourrir. Rien de vigoreux, riend e grand ne peut partir d’une plume toute vénale. La nécessité, l’avidité peut-être m’eût fait faire plus vite que bien. Si le besoin du succès ne m’eût pas plongé dans les cabales, il m’eût fait chercher á dire moins des choses utiles et vraies que de choses qui plussent à la multitude, et d’un auteur ditingué que je pouvais être, je n’aurais été qu’un barbouilleur de papier.Non, non : j’ai toujours senti que l’état d’auteur n’était, ne pouvait être illustre et respectable qu’autant qu’il n’était pas un métier. Ill est trop difficile de penser noblement quand on ne pense que pour vivre. Pour pouvoir, pour oser dire de grandes vérités, il ne faut pas dépendre de son succés. Je jetais mes livres dans le public avec la certitude d’avoir parlé pour le bien commun, sans aucun souci du reste. Si l’ouvrage était rebuté, tant pis pour ceux qui n’en voulaient pas profiter : pour moi, je n’avais pas besoin de leur approbation pour vivre. Mon métier pouvait me nourrir si mes livres ne se vendaient pas ; et voilà précisément ce qui les fasait vendre. (Conf. p. 477-478)

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